par Jules Comte-Hauban
Mis à jour le 20 juin 2022
Article publié initialement le 21 septembre 2021
Depuis la crise du Covid, on entend à nouveau parler d’inflation et de planche à billets. Ce n’est pas une surprise, car beaucoup de personnes s’interrogent sur les pratiques monétaires du pays. D’un côté on leur dit que l’hôpital n’a pas assez d’argent pour des lits supplémentaires alors que de l’autre, les plans de relance à plusieurs centaines de milliards d’euros foisonnent.
Revenons à la base pour séparer le vrai du faux, voyons en quoi inflation et immobilier sont liés et comment se protéger de l'inflation. Car pour être un bon investisseur immobilier, il faut tirer avantage de la hausse structurelle des prix.
L’inflation, c’est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie matérialisée par une augmentation générale et durable des prix.
Qu’est ce qui cause l’inflation ?
C’est la première cause que l’on retient généralement. Depuis la crise financière de 2008, la BCE fait tourner la planche à billets pour racheter des obligations (= de la dette) et essaie de contrecarrer la baisse du PIB. Plutôt que de dire ouvertement que les Etats sont en faillite et vivent au dessus de leurs moyens, les économistes inventent de nouvelles expressions. Faire tourner la planche à billets devient par exemple un programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) ou une politique monétaire de stimulation de la croissance économique par l'injection de liquidités.
Le problème est accentué par chaque crise (coronavirus, guerre en Ukraine), car le gouvernement a besoin chaque fois d'encore plus d'argent. Mais l'Etat n'est pas tout-puissant et il est bon de se rappeler que :
❝ L'Etat n'est pas la solution, l'Etat est le problème
Ronald Reagan
Avec tant d’argent créé à partir de rien, les craintes des français sont fondées. Les représentants de l'Etat ont beau essayer de nous faire croire que l'inflation provient de causes externes (le covid, Poutine, les chinois, le climat), tant que le système économique ne changera pas, l'impression continuera et l'inflation aussi. Car les banques centrales peuvent imprimer des billets, mais ne peuvent imprimer de la valeur…
Maintenant que l'on a compris que la plupart des discours des bureaucrates et promesses des politiques ne valent pas grand chose en termes économiques (et probablement pour le reste aussi), basons nous plutôt sur l'Histoire et les faits pour comprendre le cycle vicieux de l'inflation :
élitespolitiques et économiques affirment que l'inflation est transitoire tout en continuant à alimenter l'inflation
En mettant le doigt dessus, on se rend compte que le gouvernement est un drogué à l'argent magique. Pour tenter de résoudre ses propres problèmes, en particulier pour contenir l'inflation, il s'imagine tout résoudre par une dose de plus d'impression monétaire. Mais à force d'en vouloir plus, il peut arriver que cela déclenche une hyperinflation (inflation mensuelle > 50%).
Sous la république de Weimar, cet allemand transporte son argent en brouette
Le cas le plus célèbre reste la république de Weimar (Allemagne) entre 1922 et 1923 : l'inflation mensuelle a dépassé le million de pourcent ! A ceux qui croient que c'est un maux d'un autre temps, rappelons qu'il y a hyperinflation actuellement au Venezuela et en Argentine. La France l'a déjà connu juste avant et après la révolution française. Et rien n'exlu qu'elle ne le connaisse pas à nouveau...
La seule véritable façon de contrôler l'inflation et stabiliser sa devise, c'est d'arrêter les impressions et gérer sainement les comptes de la nation.
Dans l'idéal, c'est adosser une valeur tangible et concrète à sa monnaie.
Les américains l'ont fait en adossant le dollar à l'or jusqu'en 1971 (c'est le standard or) : on pouvait échanger des dollars en or auprès de n'importe quelle banque.
Après 71, ils ont essayé d'indexer le prix du pétrole au dollar.
De nos jours, ce n'est plus rattaché à rien, si ce n'est la confiance.
L’effet Cantillon, c’est ce qui explique pourquoi l’inflation ne touche pas tout le monde de la même façon, pourquoi cela creuse les inégalités en pénalisant une frange de la population tout en bénéficiant à une autre.
Richard Cantillon est un économiste du XVIIIème siècle qui formula l'hypothèse qu’il y a une distorsion de la structure des prix au profit de ceux qui sont proches des sources de richesses et au détriment de ceux qui en sont éloignés. La richesse des premiers augmente tandis que celle des derniers diminue. C’est l’effet Cantillon.
De nos jours, la source de richesse est la Banque Centrale Européenne et sa planche à billet. Ceux qui en sont proches sont les banques, ce qui explique les prix élevés de la bourse, des actions, des métaux précieux, de l’immobilier et même récemment des cryptomonnaies. Ceux qui en sont éloignés sont les salariés, qui subissent les hausses de prix sans pouvoir renégocier suffisamment leurs rémunérations.
Siège de la Banque Centrale Européenne à Francfort
Cette redistribution des richesses par les banques centrales n'est pas limitée aux pays de la zone euro. Pour les USA notamment, c'est la Fed, pour le Japon, c'est la BoJ, etc.
L’inflation, c’est aussi une question de degré. Si l’on se base sur les chiffres de l’INSEE, voici l'augmentation des prix à la consommation que l’on a eu en France depuis 1950 :
Depuis les politiques monétaires de désinflation des années 80 (désindexation des salaires sur l'inflation, hausse des taux directeurs pour les emprunts), on assiste à un ralentissement de l'augmentation des prix.
Comparées aux taux d’inflation des années 70-80 (plus de 10% annuel !), les variations sur la période 2000-2020 semblent très faibles et indiquer une stabilité des prix.
Si l’on interrogeait les ménages, je doute qu’ils seraient d’accord avec cette conclusion. La crise des gilets jaune n’a-t-elle pas démarré à cause d’une taxe supplémentaire sur les carburants et le ras-le-bol généralisé de la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat ? Les prix de l'immobilier n'ont-ils pas explosés depuis les années 2000 ?
Pour expliquer cette différence entre la réalité et les chiffres officiels, Philippe HERLIN a décortiqué les méthodes de calcul de l’INSEE dans son livre Pouvoir d’achat – le grand mensonge. Il explique notamment que le calcul officiel de l’inflation ne prend en compte le logement qu’à hauteur de 6% alors que cela représente en moyenne 25% pour les français.
Or le coût du logement est un des postes de dépense qui a le plus augmenté depuis 2000. Il y a clairement sous-évaluation des chiffres de l’inflation.
En élargissant son analyse au prix des biens (nourriture, électroménager, gazole), P. HERLIN arrive à la conclusion que 2000-2015 a été une période de perte de pouvoir d’achat avec la hausse du coût des matières premières et du logement combinée à la fin de l’effet mondialisation.
Pour mesurer l’inflation par nos propres moyens dans le domaine immobilier et pour tenir compte de l’augmentation en parallèle des revenus, nous avons étudié l’évolution du ratio prix du m² moyen de l’immobilier sur le smic horaire brut. Cette mesure représente approximativement le nombre d’heures de travail nécessaires pour acquérir un mètre carré d’immobilier en France quand on est rémunéré au smic. Voici le résultat :
Inflation et immobilier
Ratio prix moyen du m² d’immobilier en France sur smic horaire
En lisant la courbe, on comprend qu’il fallait environ 220 heures de travail d'un smicard pour une acquisition d'un mètre carré de logement en 2000 alors qu’il lui en faut 320 en 2020. Cela fait une diminution de 31% du pouvoir d’achat sur la même transaction immobilière en dix ans !
Le smic étant censé être indexé à l’inflation pour garantir la stabilité du pouvoir d’achat (Art. L. 141-3 du code du travail), on voit que la réalité est tout autre. C’est bien un élément de preuve que le smic est sous-évalué, car lui-même indexé sur un indice d’inflation et de prix sous-évalué par l’INSEE.
Outre le SMIC, rappelons que depuis la loi Auroux de 1982, les salaires autres que le SMIC ne sont plus indexés à l’inflation. Il y a nivellement par le bas des revenus, ce qui explique le sentiment de paupérisation de la classe moyenne.
S'affranchir de l'inflation en comparant l'évolution des prix avec le SMIC n'est pas la seule façon. On peut également la comparer avec le cours de l'or. L'or est historiquement une monnaie et non un objet de spéculation, qui existe depuis plusieurs millénaires partout sur Terre et a toujours conservé son pouvoir d'achat intrinsèque.
Maintenant que nous avons pleinement saisi le concept de l’inflation, on peut en déduire ses effets globaux sur l’immobilier :
Prix de l’immobilier entre 2010 et 2020 et comparaison au smic horaire
Comme on peut le voir sur le tableau, quand on inclue l’inflation, on ne constate pas du tout la même tendance. Nice qui a vu son prix augmenter de 20% en dix ans est en réalité un marché presque stagnant. Malgré l'augmentation du prix de la pierre à Marseille de 9.3%, le marché est en réalité baissier ! D’où l’importance de raisonner en pouvoir d’achat et non en prix brut.
Maintenant que l'inflation n'a plus de secret pour vous, voyons ces effets sur du concret, en l'occurence mes propres expériences. Investir dans l'immobilier locatif, ce n'est pas uniquement calculer le rendement locatif lors de l'achat et se la couler douce. Dès que l'on comprend le mécanisme des prix, on doit se demander comment se protéger de l'inflation. Voici mes stratégies:
Voici concrètement ce que cela a donné sur un de mes immeubles de rapport:
Immeuble: évolution des loyers en euros |
Immeuble: évolution des loyers en grammes d'or |
On remarque déjà que même si le loyer brut augmente en euros, il baisse en termes de pouvoir d'achat (ici en or). C'est probablement dû à l'effet Cantillon. Heureusement, la quantité (loyer - mensualité de prêt) qui représente grosso modo le cashflow reste stable. J'ai donc bien conservé mon pouvoir d'achat effectif.
La planche à billets ayant tourné à plein régime et continuant de le faire, elle génère une pression inflationniste. Pour le moment, elle est contrecarrée par la pression déflationniste (inflation négative): chômage, personnes qui ont peur de la crise et épargnent plutôt que de dépenser. Mais tôt ou tard les gens vont se remettre à consommer.
Si l’on raisonne en terme d’effet Cantillon, monsieur tout-le-monde était proche dans cette crise de la source : l’Etat a versé du chômage partiel, des aides exceptionnelles et subventions directes. Cet argent est dans l’économie réelle et accroit le risque d'inflation en sortie de crise, quand la consommation des ménages repartira.
On commence d'ailleurs à sentir cette pression inflationniste par le prix de l'énergie. Le prix de l'électricité a augmenté de 5,7% entre février 2021 et 2019, le prix du gazole, après une baisse des prix fulgurante, a presque retrouvé en février 2021 son niveau pré-covid, alors que la récession n'est pas encore terminée.
Autre aspect à ne pas négliger : l’inflation est utile pour les Etats, car très endettés. Il ne faut pas oublier qu’une inflation à 10%, cela équivaut à diviser le poids de sa dette totale par 1,1 (soit une baisse de 9,1%). C'est pour cela que "le contrôle de l'inflation" ou "la lutte contre l'inflation", bien que soi-disant une priorité pour le gouvernement, ne sont pour l'instant que des paroles en l'air.
Le plus dangereux est qu’en imprimant tant d’argent, l’Etat compromet la confiance du peuple dans sa monnaie. L’euro est une monnaie fiduciaire, c’est-à-dire basée uniquement sur la confiance. Un billet n’est finalement qu’un bout de papier que l’Etat certifie. Or si les gens perdent confiance et se mettent à tout dépenser pour avoir des actifs tangibles (nourriture, objets, or), l’inflation peut exploser à la hausse et même se transformer en hyperinflation.
Note de mise à jour: A force d'augmenter la quantité de monnaie, l'inflation a bien fini par décoller en 2021, comme prévu. Si la période 2000-2020 a déjà causé une fonte du pouvoir d'achat pour le français moyen, l'inflation actuelle va avoir des conséquences désastreuses. Les organismes officiels l'estiment en avril 2022 à 4,8% par rapport à l'année précédente. Sa valeur réelle doit se situer plutôt entre 10 et 20%.
Les anticipations post-coronavirus ne sont pas glorieuses, puisque 2022 a pratiquement démarré par la guerre en Ukraine.
Les réactions occidentales n'ont pas trainé avec des embargos contre la Russie.
En découle une augmentation du coût de l'énergie (gaz, pétrole) qui stimule l'inflation.
Pour ne rien arranger, la Russie et l'Ukraine assurent en plus de conséquentes exportations mondiales de grain de blé, d'huile de tournesol et de ressources minières (fer, aluminium, acier) dont nous dépendons. Le rythme de l'inflation ne peut que croitre dans ces conditions.
La situation étant particulièrement délicate et les ménages français commencant à se protéger de l'inflation (en demandant des augmentations), la tendance inflationniste va subsister pendant de nombreuses années, c'est certain.
C’est dans des périodes telles qu'actuellement que le côté valeur refuge de la pierre est particulièrement appréciable.
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